Bienvenue au royaume des mes errances, en vous souhaitant d'être touché.

dimanche 31 janvier 2010

35X45

Première Partie. Chapitre 4.

Sur la butte Montmartre, le soleil de saison commence timidement à éclairer une petite mansarde recouverte d'ardoises. Sur le bord de la gouttière, un groupe de moineaux bataillent en paillant pour être les premiers à profiter de leur manne quotidienne. Des miettes de pain frais provenant des tartines providentielles d'un petit déjeuner. Cette fenêtre constitue l'unique puits de lumière de la simple chambre de bonne habitée par Monsieur Pierre. Pantoufles et visage aux joyeuses rides, le temps n'a plus la même allure en rentrant chez lui, les aiguilles ne ralentissent pas au cadran de l'horloge, mais, Monsieur Pierre donne un nouveau tempo à l'usure inébranlable de la nature. Chaque seconde résonne de plaisir, dans un écho savoureux de vieillesse. Ici, la vie est douce, et les oiseaux du quartier l'ont bien compris. Les rayons du soleil nappés de poussière volent lentement dans l'air rythmant le fil des années, lancinantes. Ce matin, confiture de pêche et thé vert, un peu de sucre au petit déjeuné. Aznavour qui chante en musique de fond pour décorer la pièce, tout à l'heure il faudra passer voir l'épicier pour prendre des oranges et de la cannelle.

Sibylle c'était mise en arrêt maladie, elle était en pleine forme bien sûr mais ponctuellement ses humeurs la plongeait dans une flegme irrépressible. Son médecin conciliant ne se faisait pas prier pour l'avoir en consultation. Il passait sous couvert d'un rhume ou d'un vilain virus ses caprices de bimbo pour des arrêts de quelques jours. Après une grasse matinée prolongée devant un feuilleton à l'eau de rose, elle abandonne son lit pour aller se pomponner. La poudre envahie la salle de bain dont elle ressort au bout d'une heure et demi, serviette enturbannée sur la tête, verte de crème, tenant du bout des doigt un flacon de vernis rose bonbon. De nouveau devant son poste de télévision elle commence soigneusement à décorer ses pieds de nombreuses couches de couleurs. Un à un ses orteils de transforment en grosses guimauves pastels. Son portable vibre au fond de la pièce sous un gigantesque monceau de vêtements bon marché. Bondissant sur les talons, pour ne pas abîmer sa manucure, elle traverse la pièce et plonge à pleine mains au cœur de son linge à la recherche de son téléphone. Une fois la main dessus il ne sonne déjà plus, l'écran indique la réception d'un texto qu'on lui envoyé d'un chat de rencontre.

A 7 heure tapante, frais comme un gardon M Raymond bondit hors de sa couche et enfile ses lunettes. Il ressort 15 minutes plus tard de sa toilette en chemisette grise à fines rayures rouges, une cravate impeccablement nouée autour du cou.7h20, après les quelques étirements habituels la cafetière à finit de préparer le café. A 7h30 il est prêt, un dernier tour de l'appartement pour éteindre toutes les lumières, il met son blouson. Dans l'entrée, son casque de vélo sous le bras, il ajuste les lacets qui protège son pantalon de la graisse de la chaîne. Il sort, ferme à double tours les deux serrures de sa porte et descend les escalier de bon train. Il sent son casque, toujours sous son coude glisser un peu plus à chaque foulée, il veut le retenir, il le sert un peu plus fort contre lui mais le casque lui échappe, il tombe et rebondit dans la cage d'escalier dans un tonnerre de tous les diables. Il s'arrête en tournoyant sur lui même au dessus d'un paillasson sur lequel on pouvait lire bonjour.

Catherine ouvre les yeux au son d'une dispute de ses deux enfants, Théo et Margot. Ils sont debout depuis déjà longtemps et n'ont pas cessé de se bagarrer.
« Maman il m'a pris ceci! » et «  Maman il m'a dit cela! »
Elle tourne la tête vers son mari et ne trouve rien d'autre que son oreiller vide et froid.
« -Ah c'est vrai il travaille tôt en ce moment »
On frappe à la porte, elle sait pertinemment que c'est sa fille qui vient se plaindre de son frère qui l'embête...Profitant de ses derniers instants de répit elle prend une profonde inspiration et donne la permission d'entrer à la cadette. La seconde qui suit , ses deux bambins s'engouffre dans la pièce en geignant ils grimpent sur le lit et plongent sous les couvertures. Serrés contre leur mère ils s'apaisent enfin. Le réveil affiche 8h12, on va être en retard.

La fuite du pauvre Berlioz n'était pas de tout repos et sa matinée commençait mal. Depuis qu'il avait quitté Caroline, rien ne lui avait été épargné. Alors qu'il essayait de trouver de quoi se nourrir dans une riche poubelle de restaurant, un horrible matou avide de marquer son territoire fondit sur lui. En un éclair, utilisant le peut de force qui lui restait il fait une embardée et évite le boulet de canon propulsé dans sa direction. Les poils dressés, les yeux écarquillés sur son adversaire, il attend la deuxième vague d'assaut. Bien nourri et faisant deux fois sa taille la lutte était perdue d'avance mais sans issue possible il lui fallait faire face. Furieux d'avoir était ainsi dérouté, l'adversaire de Berlioz se retourne, prêt à bondir, tous les muscles de son corps arqués. Un sourd feulement venant des entrailles gargantuesques de la bête le fait tressaillir d'effrois. La charge est imminente. Brusquement, la porte des cuisines s'ouvre dans un bruit assourdissant, et un homme jette un sac poubelle dans leur direction. Effarouché comme une voilée d'oiseaux les deux chats s'éparpillent dans toutes les directions. Berlioz s' élance vers une sortie de la ruelle il entend la rumeur de la rue comme dans l'appartement de Caroline, la lumière est juste devant lui, il court encore plus vite. Mais il déboule dans les pieds des passants qui se dressent comme une forêt mouvante ou une multitude de troncs d'arbres qui lui barrent soudain le chemin. Il ne réfléchit pas et continu tentant d'éviter tant qu'il le peut ce nouvel obstacle. Il court, agile entre les jambes tranchantes, il doit fuir, fuir encore. Il franchit le trottoir, tout droit. Les voitures klaxonnent et son cœur s'accélère, tout s'embrouille. Un scooter le percute.
Hurlant de douleur, Berlioz est propulsé sous une voiture et roule jusqu'au caniveau. Inerte, à peine conscient, il ne peut plus bouger. Les heures s'étirent immobiles, en face de lui les jambes obscurcissent à nouveau l'horizon, une petite épicerie s'y dressent pourtant fièrement avec ses étales pleines d'oranges mûries au soleil. Un petit vieux est en train de faire ces courses, il choisit quelques fruits puis entre pour payer le commerçant. Berlioz les voit derrière la vitre embuée de la boutique, ils échangent quelques mots, en riant. Et le vieil homme sort en trainant son cabas. Il part à droite et s'arrête semblant oublier quelque chose, il fait demi tour. Mais il ne prend pas la direction de l'épicerie, il s'avance vers le bord du trottoir, il s'avance vers lui. Un pantalon en velours marron et une paire de pantoufles bleu foncé s'arrêtent debout devant le refuge de Berlioz.
Monsieur Pierre était sûr d'avoir entendu du bruit sous cette voiture, il en aurait le cœur net. Il se penche et découvre Berlioz apeuré, le poil mouillé par l'eau des égouts.
« - Et bien mon bonhomme on peut dire que tu as de la chance que je passe par là! »
Le bon Monsieur Pierre glisse le chat dans son manteau de laine pour le réchauffer. Berlioz sent la chaleur revenir en lui. Ici il était en sécurité. Il entendait battre lentement le cœur imperturbable du petit vieux.

A l'hôpital XX la matinée d'Estelle commence, infirmière au service des urgences, elle met sa blouse blanche habituelle et y accroche son badge. Elle enlève ses bijoux, à l'exception son alliance, et va se laver les mains. Une fois prête, Estelle se dirige vers l'accueil pour prendre les nouvelles de la journée.
« -Bonjour Dominique! Alors comment c'est passé la nuit de Monsieur Bouchard? » Lance-t-elle à sa collègue.
« -Holala quel grincheux, toujours un truc qui cloche pour lui, enfin, je crois qu'il n'a pas très bien dormi le pauvre. Tiens voilà ses analyses.»
« - D'accord je passerais le voir tout à l'heure, autre chose? »
« -Un peu oui! Le beau au bois dormant à de la visite, son dossier est avec celui de Bouchard, passe lui rendre une visite. »
« -Merci Dominique. A toute à l'heure . »
Sur ces mots Estelle s'engage à la recherche du Docteur Fournier. Aujourd'hui elle doit l'assister auprès de certain patients. Elle pensait le trouver dans son bureau, mais en vain, et bien sûr, personne pour lui dire où le trouver. Au service des urgences c'était toujours le même problème. Elle se fait la réflexion d'en toucher mots au docteur et repars. Au bout d'une demi heure de recherche infructueuse, au détour d'un couloir, elle tombe enfin nez à nez avec son docteur. Au sens propre puisqu'elle avait faillit le renverser.
« -Excusez moi docteur, je ne vous avez pas vus arriver. » Un peu gênée elle regarde ses pieds en articulant timidement
« -Mais enfin, ce n'est rien, ne vous en faites pas Estelle. Avez vous fait vos visites? J'aurai besoin de vous vers 11h pour une intervention. »
« -J'y allais justement docteur, Monsieur Bouchard à encore fait une mauvaise nuit. »
« - Oui mais je pense que ça devrai aller mieux dans les jours qui vienne, je passerai le voir ce soir. Pourriez vous le lui dire? Je vous attend en salle 3, à toute à l'heure. »
Estelle pousse un soufflement, Heureusement que Dominique lui avait parlé de Monsieur Bouchard, elle avait toujours de bon conseil. Elle décide de passer en premier voir le nouveau patient de la chambre 11. C'était la chambre d'un jeune homme qui avait été victime un terrible accident de moto. Il y était depuis 3 mois, plongé dans le comas. En fait on pouvait dire qu'il avait eu une chance inouïe au travers son malheur, il avait survécu à son accident sans aucune blessures apparente. Il avait l'air de dormir paisiblement et les infirmière le surnommaient Le beau au bois dormant. En rentrant dans la chambre, elle ouvre les stores vénitien pour faire plus de lumière. Le visage du jeune homme, à peine perceptible dans la pénombre de la pièce, prend une couleur légèrement rosée. A sa gauche le lit habituellement vide est maintenant occupé. Estelle prend son dossier et feuillette rapidement les pages.
« -Alors...la chambre 11, ah, la voilà. J'ai l'impression que vous êtes venue nous voir un peu tard Mlle Allain.»

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire