Bienvenue au royaume des mes errances, en vous souhaitant d'être touché.

vendredi 22 janvier 2010

35X45

Première Partie. Chapitre 2.

Jeudi. Elle ouvre les yeux et regarde son plafond. Le réveil sonne encore dans sa chambre, mais comme, terriblement lointain. Terriblement parce qu'il la fait souffrir. Elle repousse chaque sonnerie, comme une alerte stridente qui n'annonce rien de bon. La semaine avait été jusque là plutôt pénible. Trouvant enfin le courage de faire taire l'infernal signal, elle roule vers sa table de nuit, éteint l'engin de malheur, et lutte pour ne pas retomber endormie. Berlioz, d'humeur câline, bondit sur le lit et vient se pelotonner contre elle. Une boule de chaleur, douce et vivante. Il ronronne de plaisir contre sa joue froide. Et puis, sans prévenir, le voilà qui s'échappe, en trois bonds il quitte la chambre, et disparaît fièrement, presque hautain, dans le couloir obscur.
« - Attend moi! Berlioz? »
Décidant de le poursuivre elle sort de son lit en pyjama, enfile une paire de chaussettes et franchit le seuil de sa chambre. Elle le trouve assit dans la cuisine, devant son bol vide. Ses beaux yeux verts semblent lui demander tendrement de remplir la gamelle. Elle sourit.
« -Tu as faim n'est ce pas? »
Berlioz la regarde faire, amusé, en se grattant énergiquement l'oreille.
« - Attend, Voilà du lait frais pour monsieur. »
Une fois le bol plein, Il se lance à l'assaut de son plat, en avale rapidement la moitié puis, s'arrête, regarde Caroline. Intense, interrogateur, comme si une idée lui était soudain parvenue. Il ronronne alors gentiment mais, brisant l'instant, il part soudain en chasse. Il quitte la cuisine en un éclair, tel une panthère, poursuivant quelques proies invisibles. L'ignorant, elle sort du frigidaire un pot de confiture entamé, de la confiture de fraise. Le pain est un peu dur mais elle se tartine une large tranche et quitte la cuisine à son tour en mordant dans son petit déjeuner. Une fois dans la salle de bain, elle met la douche en marche, histoire de chauffer l'eau, pendant qu'elle s'observe dans la glace, finissant de manger. Déshabillée elle se faufile sous la douche, et s'empresse de refroidir la température étouffante. Pendant ce temps, Berlioz continuait de courir après une ombre qu'il était seul à voir. Caché derrière le canapé, prêt à fondre hors de l'obscurité pour capturer son ennemi. S'aventurant jusqu'à la chambre, il plonge sous le sommier. Il y voyait plus clair qu'aucun autre en ce lieu. Il rampe jusqu'au fond de sa cachette, vers la table de chevet de Caroline. Maintenant au bord du lit, il s'approche de la lumière. La fenêtre entrouverte, juste en face de lui, laissait entrer la rumeur de l'extérieur. Chaleureuse, remplie de cris d'enfants, elle attire Berlioz qui oublis un instant la raison de sa présence sous le lit. Il se risque à sortir la tête de son sombre refuge, quand s'en rendre compte, marchant sur un morceau de la couette dépassant du sommier, il déclenche une avalanche de draps l'assaillant de toutes parts. Pris de panique, il lutte, son poil se hérissent sur son échine traversée d'une décharge électrique. Crachant de toutes ces forces, il griffe aveuglement, frénétiquement, entrevoyant des éclats de lumière. Une sortie semble s'approcher et, la seconde qui suit disparaître à nouveau. Il croit mourir. Il en n'est là de son agonie quand Caroline arrive, les cheveux trempés, une brosse à la main. La lâchant d'un coup elle saisit les draps et délivre son Berlioz. C'est une bête sauvage qui s'échappe de l'antre, surgissant du fouillis de la scène, droit vers la fenêtre, fuyant son terrible agresseur. Bondissant du balconnet de l'appartement, il atterrit sur le toit de l'immeuble voisin, puis, poursuivant sa folle retraite, le suivant et l'autre encore. Quand après s'être suffisamment éloignés il s'arrête enfin, son cœur bat plus vite que jamais auparavant. La frayeur lui teintant encore l'iris, il regarde au loin la direction du champs de bataille, tourne le dos, et reprend son chemin sur la route des toits.
« - Étrange », se dit Caroline. « -Que peux tu fuir ainsi Monsieur chat? Enfin, si je ne me dépêche pas je vais encore être en retard au boulot. »
Elle finit de s'habiller en vitesse, et retourne à la salle de bain se sécher les cheveux. Calme sous la vrombissante chaleur elle se peigne en sifflant. Peut être n'était - elle pas trop mal finalement, au fur et à mesure sa coiffure prend du volume. Un beau noir brillant, lisse, lui frôlant les épaules, elle aimait bien sa coupe. Mais plus elle repasse le peigne dans ces cheveux moins elle arrive à obtenir ce qu'elle souhaite. En place un instant, ils retombent aussitôt. S'énervant, elle saisit une serviette, plonge la tête dedans, se les sèche, et finit sa toilette.
Dix minutes plus tard, assise dans un taxi elle repense à Berlioz. Il avait quitté l'appartement, c'était la première fois qu'il franchissait la fenêtre, était il tombé? Non, il reviendrait surement se soir, sain et sauf. En tout cas l'espérait elle. Et puis...
« - Sept euros Mademoiselle.
- Heu, oui, tiens, pardon tenez. Merci, au revoir.»
En passant devant la machine à café elle se demande ce qu'elle va bien pouvoir faire de son week-end, on lui avait parlé d'un film sympa, c'était l'histoire d'un couple qui traversait une crise, la critique était mauvaise mais elle aimait ces histoires et ses amies aussi, elle le proposerait à Catherine. En rentrant dans la cabine de l'ascenseur remplie de travailleurs, elle se trouve à son aise, presque tous les étage avant le sien illuminent le tableau de contrôle, à l'exception du numéro 2. Au 5éme elle sort. L'étroit carcan de l'ascenseur lui avait parut se resserrer au fil des étages, à chaque fois que les portes s'ouvraient le souffle de l'air lui apportait un sentiment nouveau. Au premier le calme apparent lui donna envie de dormir, bien que le second étage ne s'ouvrit pas, le trait de lumière filtrant par les portes lui fit se dire qu'elle serait mieux chez elle. Au troisième, quand les portes découvrirent la scène, l'activité ambiante la découragea un peu. Au quatrième, rien comme si il y avait un panne de courant, le noir grésillait comme un néon. Alors qu'il ne semblait pas y avoir d'activités deux hommes en costume descendirent de la cabine, curieux. Arrivée, elle ne veut plus qu'une chose, quitter cet endroit. Un pas sur la moquette grise, un autre, ses jambes la guide vers son bureau. Tout est en place comme chaque jours, impeccablement rangé, désespérant. Un simple coup d'œil l'informe sur la quantité de dossier à traiter dans la journée. Sibylle est en retard.
« -Ponctuelle Mlle Allain, félicitation.
- Merci Monsieur Raymond .
- Avez vous vu Sibylle?
- Pas encore Monsieur »
Satisfaite, elle ouvre son premier fichier, il semble dégager une odeur de trop neuf, lourd et fort, désagréable. Dix pages de formulaires pénibles, heureusement il y en a peu aujourd'hui, ils sont tous identiques. Au bout de quelques temps l'ennui la guette, ses yeux se perdent sur le haut des têtes dépassant des bureaux. Elle reconnaît ici son collègue qui parle toujours trop fort, la-bas celle qui passe son temps au petit coin. Perchée sur son bureau elle remarque sa plante verte, bizarrement, elle avait l'air affaiblie, les feuilles en bataille, une branche cassée. Surement une femme de ménage l'avait telle fait tomber, puis remis en place avec négligence. Elle n'était pas si mal cette plante après tout. On pouvait y voir toutes sorte de chose, des animaux et formes étranges dessinés par les nervures teintées de nuances de verts. Hypnotisée, elle se prend au jeu et imagine mille et une créatures fantastiques, elle a le sentiment d'y trouver un refuge à sa triste réalité. Sa main se remet à travailler machinalement. A l'heure du déjeuné Sibylle vient s'assoir à coté d'elle et déverse son habituel flot de venin, mais pour une fois cela ne la dérange pas. Caroline se surprend même à l'imiter avec une maligne complaisance. A la reprise, les dossiers diminues à mesure qu'elle découvre de nouveaux dessins dans les recoins végétal. Son travail lui semble ainsi moins pesant. 18H30 arrive, elle sursaute quand une grande main moite se pause sur son épaule. La tempe brillante de transpiration, essoufflé Monsieur Raymond.
« - Assez travaillé Mlle Allain, il est maintenant l'heure de rentrer chez vous. »
Le cœur battant Caroline, surprise n'ose rien répondre. La main de son responsable reste crispé sur son épaule.
« - En passant, Mlle Allain, vous pourriez prendre cette pauvre plante avec vous il serait plus sérieux d'en prendre un peu soin. Tenez, voici 10 euros allez dont lui acheter des engrais qu'elle reprenne des forces. »
Il lui glisse l'argent dans la main. Il avait eu l'air très doux à la fin de sa phrase comme s'il avait repris sa respiration, sans doute le surmenage, il travaillait beaucoup trop ces temps-ci.
« - Bien Monsieur Raymond, autre chose peu être? »
«  - Heu, non, ce sera tout.» Il toussote et finit. « A demain. »
Elle quitte son bureau comme d'habitude, mais cette fois, selon les consigne de son supérieur, elle emporte avec elle sa compagne d'infortune, la scindapsus d'intérieur.

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